In memoriam Dr Robert Muller
Le Dr Robert Muller est né à Neuchâtel le 2 septembre 1919. Après des études aux Universités de Neuchâtel, Berne et Lausanne, il a travaillé comme assistant en psychiatrie, en gynécologie, en chirurgie et en médecine interne, avant de se consacrer à la dermatologie à l’Hôpital de Berne. C’est là qu’il a obtenu son titre de spécialiste, avant de poursuivre sa carrière hospitalière comme chef de clinique (Service de dermatologie, Prof. Robert). Il a consacré sa thèse au taux de guérison 20 ans après le traitement de la syphilis avec le néosalvarsan et le bismuth. Il est intéressant de relever que les patients qu’il a pu contrôler étaient en bonne santé et que leurs tests de Wassermann étaient négatifs…
C’est en 1951 qu’il ouvre son cabinet médical à Neuchâtel, pratiquant aussi bien la dermatologie que la phlébologie. De 1951 à 1955, il développe le concept de la phlébectomie ambulatoire, créant un groupe de phlébologie en 1960, qui comprenait un chirurgien, un radiologiste et un dermato-phlébologiste. Progressivement, il s’est consacré principalement au traitement de la maladie veineuse chronique, améliorant sans cesse la technique dont il est l’inventeur.
Le Docteur Muller a consacré beaucoup d’énergie à introduire la phlébectomie dans le monde scientifique, multipliant conférences et publications. Il a beaucoup souffert d’un manque de compréhension, d’intérêt, voire du mépris de certains de ses confrères. Néanmoins, il a fait preuve d’un courage extraordinaire en continuant à prêcher, souvent dans le désert, convaincant progressivement de plus en plus d’élèves d’adopter sa technique. Passionné d’histoire de la médecine, il a découvert en lisant Plutarque que la phlébectomie ambulatoire était déjà pratiquée au temps des Romains. C’est ainsi qu’il a préféré appeler l’opération, qu’il avait redécouverte, phlébectomie selon Celsus. Néanmoins, au plan mondial, chacun parle de phlébectomie selon Muller (en dehors de ceux qui ont essayé de s’approprier une méthode qu’ils n’avaient pas inventée).
Le Dr Muller a prit sa retraite en 1994 à l’âge de 75 ans, en pleine forme intellectuelle, honoré par de nombreuses sociétés nationales et internationales.
C’est en 1944 que le Docteur Muller s’est marié, peu avant la fin de ses études. Avec son épouse Simone, Ils ont eu 4 enfants au cours d’une vie conjugale très heureuse, puis de très nombreux petits-enfants et arrières petits-enfants. Au plan militaire, le Docteur Muller était officier médecin. C’était également un excellent sportif, jusqu’à ce qu’un traumatisme du genou limite ses ativités physiques. Il s’est consacré alors à son jardin, en particulier à la culture des roses.
J’ai eu le privilège d’apprendre la phlébectomie chez le Docteur Muller, en 1977, lorsque je devais l’introduire dans le Service de dermatologie de Lausanne. J’ai été reçu avec une infinie gentillesse, le Docteur Muller me donnant une grande leçon de confraternité, de sens clinique, d’habilité manuelle, mais surtout d’humanité profonde dans sa manière d’approcher les patients et de les recevoir. Les patients étaient accueillis par Madame Muller, avec une autorité sereine et souriante, avant que le Docteur Muller ne les reçoive dans la salle d’intervention. Le spectacle était spectaculaire : méthodes toutes simples, matériel minimal, conditions d’asepsies qui paraissent minimales aujourd’hui ; mais le Docteur Muller n’a pratiquement jamais eu d’infections. Son hospitalité allait jusqu’à recevoir ses hôtes à déjeuner, ou il les invitait, leur servant du poisson et un excellent vin de Neuchâtel, tout en leur expliquant encore des finesses techniques. Le Docteur Muller a ainsi reçu d’innombrables élèves. Aucun d’entre eux n’a oublié l’hospitalité du Docteur Muller, sa gentillesse, son enthousiasme, son désir de transmettre son savoir dans la plus pure tradition d’Hippocrate.
Après une retraite encore active dans son jardin, le Docteur Muller s’est éteint dans une maison de retraite le 31 octobre 2012, dans sa 94ème année.
L’épitaphe qui a été choisie pour son avis mortuaire résume bien la pensée de sa vie :
Ce qui compte, voyez-vous, ce n’est ni la beauté, ni le bonheur, ni peut-être le malheur. C’est d’avoir fait quelque chose de sa vie et qu’il en reste un parfum dans le souvenir et dans le coeur. (Jean d’Ormesson)
L’épitaphe résume aussi le souvenir que laisse Robert Muller dans nos coeurs, un parfum raffiné de générosité, de bonté, de partage, d’intelligence et d’humanisme.
Dr h.c. Albert-Adrien Ramelet, Lausanne